par VALÉRIE PICHÉ

Je suis née dans la petite ville de Pont-Rouge, située dans la région de Québec. J’ai grandi entourée de mes deux parents ainsi que ma grande sœur. J’ai été privilégiée de vivre dans une famille unie où l’amour régnait! J’avais donc tout ce qu’il me fallait pour être pleinement heureuse et bien réussir dans la vie! J’avais des parents aimants qui prenaient bien soin de nous et qui nous ont transmis de très bonnes valeurs. Ils ont été tellement aidant pour moi au cours de mon rétablissement et ils le sont toujours autant. 

Toute petite, j’étais considérée comme un enfant modèle. J’étais très sage. peut-être même trop? Je faisais mes petites affaires sans trop déranger personne. J’avais également un petit côté clown que je laissais aller seulement avec ma famille proche… J’aimais faire rire mon entourage. Déjà, à 4 ans, j’aimais faire plaisir aux autres, j’aimais les aider et, sans le savoir, je faisais passer les désirs des autres avant les miens, car je voulais inconsciemment éviter toute forme de conflits.

J’avais aussi de la difficulté à développer des liens avec les autres jeunes de mon école

Au primaire, j’avais très peu d’amis. J’étais une petite fille anxieuse et surtout très timide. Or, déjà à cet âge, j’avais l’impression d’être différente des autres élèves. J’avais l’impression que tout allait trop vite autour de moi. J’avais aussi de la difficulté à développer des liens avec les autres jeunes de mon école. 

Enfant, je n’avais aucun complexe! Aucun souci de l’image que je projetais. J’avais un petit surplus de poids, et je pense même que je n’en n’étais même pas consciente! J’étais bien dans mon corps, jusqu’au jour où certaines personnes se sont mises à rire de moi.

J’ai été victime d’intimidation vers la fin de mon primaire. Cette situation s’est aggravée à ma première année du secondaire. En 1996, je peux vous dire que l’intimidation était un sujet inconnu. On en parlait très peu! Je ne pouvais donc même pas exprimer ce que je vivais. J’ai donc vécu très difficilement cette première année au secondaire. J’ai eu de la gomme dans les cheveux, j’ai reçu des commentaires désobligeants, on m’a fait trébucher bref, je vous laisse imaginer. Je peux vous dire que je n’ai pas été épargnée. Je me rappelle même la fois où j’ai été prise à la gorge, dans une cage d’escalier. Heureusement, un jeune est venu me défendre. Je lui en ai été très reconnaissante et aujourd’hui encore, il se rappelle cette scène.

A partir de cette journée, les amis de ma sœur m’ont intégrée avec eux dans leur gang pour me protéger aux récréations et pour ne pas me laisser toute seule. J’étais effrayée et j’avais peur de mettre les pieds dans l’école.

” C’est alors que j’ai commencé à douter de moi-même et à me préoccuper davantage de l’image que je projetais “

C’est donc à partir de ce moment, inconsciemment, que je me suis laissée glisser tout doucement dans ce que j’appelle : ma descente aux enfers. Une descente périlleuse, dévastatrice, qui peut nous amener tranquillement vers la mort de notre être… Malheureusement, certains en laissent leur peau….

Un jour, je me suis dit que si je perdais du poids, peut-être que les autres m’aimaient? Peut-être qu’ils m’accepteraient? J’ai commencé à ce moment précis à perdre le contrôle en ayant pourtant l’impression d’être tout à fait en contrôle. J’ai perdu très rapidement du poids au détriment de ma propre santé. Je ne m’étais pas rendue compte à quel point l’obsession de la minceur était devenue ma seule et unique « Quête ». Perdre du poids pour moi, c’était valorisant! J’avais l’impression inconsciemment, de réussir là où la plupart des gens échouent. J’avais trouvé un endroit à moi, que je pouvais contrôler. Un endroit où j’avais l’impression d’être bien! Un endroit qui me permettait de fuir quelque chose en moi qui était trop souffrant! J’étais donc prise dans un cercle vicieux, une roue infernale, et plus cette roue tournait, plus je construisais autour de moi une petite prison dorée qui me coupait tranquillement du reste du monde. J’étais Valérie anorexique…

Lors d’un voyage de mes parents, ma cousine qui gardait ma sœur et moi était très inquiète de me voir ainsi. Je me rappelle comme si c’était hier le soir où elle m’a donné un ultimatum. Si je n’acceptait pas son aide, elle était dans l’obligation de contacter mes parents. En fait, elle me faisait appeler moi-même mes parents. Elle voyait bien que ma santé était en péril.

Étant donné l’état d’urgence, j’ai dû être hospitalisée à l’Hôtel-Dieu du Sacré-Cœur. Pour vous situer dans le temps, j’étais âgée de seulement 13 ans. Pour moi, c’était la fin du monde…. Qu’est-ce que je ferais là-bas, qu’est-ce qu’ils allaient faire de moi? J’étais effrayée, dépourvue, seule dans une grande chambre vide à fixer le plafond blanc ou à regarder par la fenêtre en attendant mon plateau de nourriture. J’ai probablement pleuré toutes les larmes de mon corps.

Dans ma tête, j’ai compris assez vite que je devais prendre du poids pour sortir le plus rapidement de l’hôpital. Pour moi, cette expérience à l’hôpital, n’a pas été positive… Je ne dis pas que ce n’est pas bien, au contraire! Je dis seulement que pour moi, ça n’a pas été aidant. Aujourd’hui, je sais que je n’étais juste pas prête à m’en sortir… J’étais dans un déni total…

Cette petite voix qui me parlait dans ma tête prenait toute la place. Elle était si puissante que je lui étais soumise “

C’est à ma sortie, que j’ai continué ma quête de perfection, cette quête de perfection du corps invisible qui était supposée me rendre heureuse! Eh oui, à chaque fois que la balance affichait le chiffre désiré, ce n’était jamais, jamais assez! J’étais pourtant épuisée de vivre dans ce contrôle, mais je n’avais justement plus le contrôle.

Cette petite voix qui me parlait dans ma tête prenait toute la place…Elle était si puissante que je lui étais soumise… Cette petite voix que j’entendais était mon discours intérieur. Je ne l’entendais pas réellement, mais elle résonnait si fort, si fort que même si mon entourage essayait de m’aider, je ne les entendais plus… Je n’étais plus la Valérie souriante que j’étais et ce, depuis longtemps…

À force de vouloir me priver de nourriture, je me suis mise à faire des crises de boulimie. En fait, c’est ce qu’on appelle le cycle restrictions/compulsions. À force de vouloir éviter certains aliments, notre cerveau lui, de son côté, entend tout le contraire! En fait, il n’interprète pas le négatif. Notre cerveau nous envoie donc des images de ces aliments et notre corps réagit… il a faim! Il en veut! C’est comme si à ce moment-là, on n’a pu contrôler notre faim. On ne sait plus ce qu’est avoir faim et on ne ressent plus notre signal de satiété. Le sentiment de culpabilité est si fort à la suite d’une compulsion, l’angoisse si paralysante que j’utilisais des moyens compensatoires pour calmer cette angoisse insupportable. Pour moi, c’était tout qu’une perte de contrôle!

Quelques années plus tard, le 13 novembre 1999, ma vie a pris un tout autre sens! Je ne sais pas exactement ce qui s’est réellement passé, mais ce jour-là, j’ai été capable de me regarder avec « mes yeux » et non ceux du trouble alimentaire. J’ai laissé une petite place à Valérie, la personne, et j’ai vu mon reflet dans le miroir…. Un corps menu, un corps fragile, des yeux rouges, tristes, des os et que des os! J’ai senti les limites de ce que mon corps pouvait supporter, malgré la légèreté de celui-ci … Il ne pouvait plus me garder en vie si je continuais ainsi. Il était lui aussi à bout de ses ressources.

À cet instant précis, je me suis dit : « là c’est assez! Je n’en peux plus!! J’ai besoin d’aide. Ce n’est plus moi…en fait qui suis-je vraiment? » C’était ça ou je me laissais périr complètement vers cette finalité de la vie… Pourtant, je ne voulais pas mourir, je voulais seulement cesser de souffrir! J’étais prisonnière de mon propre corps!

J’ai donc pris une grande respiration et j’ai pris la meilleure décision qui soit; me faire la promesse envers moi-même, que j’allais tout faire pour me sortir de là!

Je suis alors sortie de la salle de bain, et j’ai regardé ma mère droit dans les yeux et je lui ai demandé de venir s’asseoir dans le salon à côté de moi. Je lui ai tout avoué tout ce que je faisais en cachette. Je l’ai supplié de m’aider, mais sans contacter l’hôpital. Je lui ai fait la promesse que j’allais tout faire pour me sortir de cet enfer! J’ai demandé à rencontrer une psychologue ainsi qu’une nutritionniste. J’étais maintenant prête! Je le faisais pour moi, par choix… et, ça a été le plus beau cadeau que je me suis offert.

Dans un premier temps, je devais reprendre de l’énergie. Mon corps était si affaibli et au bout de ses ressources “

Ce fut donc un long travail avec la nutritionniste, car je devais réapprendre à me nourrir. Je devais complètement changer mes croyances envers la nourriture. Je devais réapprendre ce besoin physiologique, celui de manger… un simple besoin de base.

Pourtant, la nourriture a été pendant des années, ma pire ennemie.

Ce fut pour moi, un long combat, un repas à la fois, un jour à la fois. J’ai entrepris une démarche avec une psychologue et ce, pendant 12 ans.

Certaines personnes pensent que nous sommes rétablis lorsque nous avons repris du poids et de saines habitudes alimentaires. Cela est seulement ce que l’on voit, ce qui est symptomatique. Pourtant, les causes du trouble alimentaire sont beaucoup plus complexes. C’est un ensemble de facteurs! J’ai fait un gros cheminement personnel pour comprendre ce qui s’était passé. Même si une personne reprend la « santé », la souffrance à l’intérieur est le plus difficile à soigner…

J’ai donc été privilégiée d’avoir toute qu’une équipe pour m’aider à gagner ce combat! J’ai été choyée d’avoir ma famille autour de moi. Sans eux, je n’y serais probablement pas arrivée. Parfois, un seul mot, une petite tape dans l’dos peut faire une énorme différence.

Or, mon histoire ne s’arrête pourtant pas là…

Après mon rétablissement, j’ai décidé d’étudier en technique d’éducation spécialisée. J’ai fait mes études avec l’objectif d’aider les personnes à se sortir du trouble alimentaire.

J’ai fait un stage dans un organisme communautaire qui leur vient en aide. J’ai également travaillé à cet endroit par la suite, tout en effectuant mon stage final en pédopsychiatrie, à l’hôpital même où j’avais été hospitalisée. Je n’ai sûrement pas besoin de préciser que ce fut très confrontant pour moi et très difficile émotionnellement.

Malheureusement à cette époque, je me sentais encore trop fragile pour travailler dans ce domaine.
J’ai donc fait complètement autre chose comme carrière.

En 2013, je suis devenue maman pour la première fois. J’ai maintenant deux merveilleux enfants âgés de 7 et de 4 ans qui me comblent de bonheur!

On peut dire que j’ai consacré beaucoup de temps et d’énergie à ma famille. Il faut dire que j’avais un travail qui me permettait de passer beaucoup de temps avec eux.

Étant une femme très perfectionniste, je me donne à 100% dans ce que j’entreprends. Je me suis donc imposée d’être une maman parfaite, même si je savais très bien que la perfection n’existait pas! Cette petite voix à moi-même me disait que oui, moi je pouvais le faire. J’étais capable de tout faire! J’avais l’impression de réussir dans ce rôle de maman! Inconsciemment, je prenais soin de la petite Valérie en moi, encore blessée… C’était une façon de me valoriser.

Au printemps 2020, pendant le premier confinement, j’ai frappé un second mur! J’ai fait une dépression. Une épreuve qui va m’avoir permis d’aller encore plus loin en moi…

Dans ce tourbillon de la vie dans lequel j’étais plongé au quotidien, j’avais oublié ce qui devait être ma priorité… moi… et quand je dis « moi », ce n’est pas par égoïsme. Je pense qu’une maman heureuse qui est à l’écoute d’elle-même peut devenir une meilleure maman, une meilleure conjointe, une meilleure amie, une meilleure personne.

J’ai donc réappris à m’accorder du temps.  À me choisir. J’ai également fait la connaissance du lâcher prise! Wow!!! C’est merveilleux!  “

J’ai entrepris des démarches avec un psychologue et également avec un coach. Ils m’ont fait faire un gros travail d’introspection pour découvrir la vrai Valérie, je dirais même Valérie, la femme… J’ai même fait la paix avec la petite Valérie. Je l’ai réconfortée et je l’ai laissée partir, en sachant très bien qu’elle est tout près et que maintenant, elle n’a plus besoin d’avoir peur, car je suis là aujourd’hui pour la rassurer.

La rencontre avec mon coach, m’a permis de sortir de ma zone de confort et de développer une vision positive de moi-même. À ce moment-là, j’avais aucune idée de ce que je devais changer dans ma vie, mais je sentais qu’il devait se passer quelque chose. Il m’a donc reconnecté à mon essence et j’ai réalisé, que l’intervention me manquait terriblement! Nous avons donc fait un plan de match et il m’a accompagné à chaque étape.

Je peux maintenant dire haut et fort que suis très fière de la femme que je suis aujourd’hui! Si on me demande si je suis heureuse, je vous répondrai plus que jamais! Maintenant, je suis en harmonie avec moi-même. J’assume mes choix, je prends soin de moi et je vis dans le positif tout en laissant entrer le plaisir dans mon quotidien. Je choisis d’être bien!

Aujourd’hui, je désire poursuivre ma mission de départ : « aider les personnes vivant avec des troubles alimentaires ainsi que leurs proches. » Je le fais avec confiance en m’appuyant sur mes connaissances, mes formations ainsi que mes expériences de travail.

Je veux poursuivre ma quête, celle d’aider les autres à s’accepter tel qu’ils sont et à être fier d’eux-mêmes comme moi, je suis fière de moi! Je veux pouvoir les guider vers le chemin du bien-être.

Je veux donner l’espoir que oui! Tout est possible! Je ne dis pas que le chemin pour y arriver est facile, mais je suis convaincue que tout être humain a le droit d’être tout simplement bien! Nous sommes uniques, chaque histoire est différente, mais une chose est certaine, nous avons tous le pouvoir de décider de ce qui est bon ou non pour nous. Tu es important, tu es unique et tu as le droit d’être tout simplement toi, tout simplement bien!

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